mardi 24 avril 2012

LE LI-BEL UNE NOUVELLE MATÉRIALITÉ DU LIVRE

 Tassiana Nunez Costa crée le Li-bel (1), marque-page intelligent. Cet objet fait le lien entre le livre imprimé et l’univers numérique. 
L’étudiante s’inscrit dans un contexte de transformation éditoriale générée par l’avènement du web et des technologies qui s’y réfèrent et promet ainsi de restructurer l’industrie éditoriale. Au sein des conséquences de cette mutation, on constate notamment un changement de support de lecture qui bouscule le mode d’existence des textes. En effet aujourd’hui le livre imprimé est concurrencé par le livre numérique, c’est la digitalisation de l’édition qui passe à travers la métamorphose du livre et sa tangibilité.
L’inscription du texte dans une nouvelle matérialité suscite des interprétations, compréhensions et usages différents. Dès lors, une nouvelle génération d’éditeur va émerger. En effet, certaines maisons d’édition vont radicalement changer leur fonctionnement, par exemple les éditions i-Gutemberg vont ainsi évoluer de l’édition imprimée à l’édition numérique. Or cette adaptation va engendrer des bouleversements dans la chaîne du livre et ainsi soulever de nombreuses controverses, notamment chez les libraires qui vont voir la diminution de l’achat de livres si ceux-ci ne proposent pas de livres numériques comme l’affirme Lorenzo Soccavo (2). On remarque en effet que la transmutation d’acquis vers d’autres déclenche très souvent de la résistance.


Cependant on observe l’émergence d’innovations hybrides, qui cherchent à développer des passerelles entre livre imprimé et numérique et ainsi les considérer comme complémentaires et non dissociés. 
Le projet Li-bel de Tassiana Nunez Costa trouve toute sa place dans ce contexte éditorial en pleine mutation. Ce marque page intelligent est une tablette numérique équipée d’un écran tactile en papier électronique qui se place sur le livre imprimé et reconnaît alors le contenu du livre. On pourrait résumer cet objet à un assistant de lecture basé sur l’association des supports, papier et numérique. En effet le Li-bel propose un contenu supplémentaire au livre, il apporte un complément d’information au lecteur et donne au papier la richesse de l’hypertexte. Le cheminement à travers le texte n’est plus linéaire, la lecture devient navigation, exploration et repérage. Cet objet se combine au livre pendant la lecture et propose des informations complémentaires au récit telles que des images, des sons, des vidéos et des textes de référence, c’est la lecture augmentée.


Le livre numérique peut ainsi conquérir un public seulement s’il ne se réduit pas à une simple copie numérique de sa version papier et se trouve en réelle corrélation avec le livre numérique et non en opposition. Il semblerait cohérent que pour stimuler la lecture sur écran, la numérisation d’un livre doive occasionner une valeur ajoutée, comme par exemple l’interactivité entre lecteur et support ou encore la présence de sons et d’images.
On constate qu’un changement de format entraîne parallèlement un changement de contenu. Il s’agit de mettre en avant de nouveaux modes d’écriture qui vont permettre d’aboutir à des ouvrages susceptibles d’attirer de nouveaux lecteurs. Ces nouveaux modes d’écritures renvoient à une logique de création nouvelle. Ainsi, le numérique favorise l’émergence d’une écriture inhabituelle, interactive et multimédia. Les éditions volumiques (2) ont pour volonté d’expérimenter et de rechercher des imbrications possibles entre le papier et le numérique et ainsi de reconsidérer le livre papier en corrélation avec les nouvelles technologies. Ces expériences explorent les possibilités de lire autrement, exploiter les qualités intrasèques du livre pour générer un récit novateur dont sa découverte est inhabituelle.

Pour terminer, il semble juste de remarquer que nous sommes entrés dans une ère de coexistence entre livre papier et livre numérique. Alors que ce dernier n’a encore atteint qu’une forme embryonnaire, il paraît évident que l’édition papier est amenée à évoluer. D’ailleurs, Sophie Van Der Linden (3) observe avec justesse : «L’un des effets bénéfiques de cette nouvelle concurrence est certainement le retour d’une attention à la matérialité du livre.» (4). Il est aussi intéressant de remarquer qu’une transformation technique ne veut pas toujours dire une substitution totale, dans la mesure où elle n’engendre pas nécessairement l’oubli de la technique qui préexiste. Le développement de ce support reste encore incertain mais nourrit toutes sortes de projections afin de repenser et réinventer le livre.

Marion Thébault, DSAA, LAAB Rennes Bréquigny, avril 2012.



(1)  Li-bel, prototype d’un marque page numérique, crée par NUNEZ COSTA (T), ancienne étudiante de l’ENSCI.

(2) SOCCAVO (L), Aux Rendez-vous du numérique : Une Nouvelle génération d’éditeurs, Rennes, La Cantine numérique, 16 novembre 2011.

(2) Les Editions volumiques, maison d’édition fondée par DUPLAT (B) et MINEUR (E).
(3) VAN DER LINDEN (S), (en ligne), http://blogsvdl.canalblog.com/




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